Le triangle méridional de l’île est étranglé à son sommet par deux golfes aux eaux placides, qui délimitent une région sereine, tranquille, autour du Mont Olymbos.  L’Est du golfe de Kalloni abrite des marais salants et une réserve ornithologique classée Natura 2000, qui drainent en ce début mai une foule de connaisseurs, armés de leurs seuls téléobjectifs. C’est une des rares îles visitées qui bénéficie d’un tourisme vert, respectueux des sites naturels, où l’on dédaigne la bronzette au profit de longues heures passées à scruter les bêtes à plumes. Nous croiserons souvent dans les tavernes du Sud ces groupes de Hollandais et d’Allemands enthousiastes, toqués d’oiseaux, drapés de vert, encombrés d’un lourd matériel.

De Kalloni, nous sommes descendus vers Agiassos, village traditionnel vanté par tous les guides, construit en amphithéâtre sur un des versant d’Olymbos : maisons imbriquées, serrées pour se tenir d’aplomb, toits de tuiles rouges, façades colorées, ruelles pavées escarpées, impasses soudaines, escaliers raides, inclinaison très marquée, Agiassos semble vraiment dégringoler sur toute la pente. Mon sens de l’orientation en coma dépassé, m’a amenée à tourner en rond durant 20 minutes dans ce labyrinthe, avant de me résoudre à demander mon chemin (pendant que J-P, plus doué pour se repérer par rapport au soleil, m’attendait goguenard devant un ouzo bien frais). Surtout, ne commettez pas l’erreur de vouloir vous engager dans ces étroits boyaux qui servent de rues avec votre voiture, traquenard dédaléen à sens unique assuré.

Au bas du village, se regroupent les cafés, les tavernes, les boutiques de bois sculptées, un petit marché. Nous avons été absolument hermétiques au charme frelaté du lieu, beaucoup trop attrape-nigauds pour nous (Poulaki mou trouvera bizarre de rester insensible au charme d’Agiassos quand je pare Molyvos, beaucoup plus touristique, de toutes les vertus, mais c’est ainsi). Une église du XIIè, très chargée, renferme là aussi une icone « miraculeuse », objet d’un culte toujours actif chez les locaux.

Bref, nous avons quitté Agiassos insatisfaits, un peu frustrés, rattrapant la route qui longe le golfe de Yera. Le rivage du golfe est on ne peut plus paisible, bordé de roseaux et de cyprès, ponctué de petits ports endormis où clapotent quelques barques de pêche. On continue jusqu’à Pérama, ancien centre « industriel », doté de hangars désaffectés, d’usines silencieuses et de cheminées assoupies. Rien de sinistre, les bâtiments s’effacent doucement.

La route vire vers l’intérieur et on traverse ensuite de jolis villages tout simples, en longeant une rivière ombragée de platanes, avant d’arriver à Trygonas. De là, cap sur Agios Isidoros, à quelques kilomètres de Plomari, où nous logeons au bord d’une plage plus avenante que de coutume à Lesbos.

Le petit village d’Agios Isidoros n’a en lui-même aucun intérêt majeur, pas même une bonne taverne ouverte en ce début de saison, si ce n’est son emplacement les pieds dans l’eau et notre lieu de villégiature « Pano sto kima« . Je reviendrai longuement sur Plomari, tant ce gros bourg s’est révélé un coup de cœur, bien inattendu, de cette côte Sud.

Passé Plomari, en suivant la route de la mer, on atteint Melinda, tout petit village de poupées, caché au creux d’une crique de galets. Quelques tavernes, une poignées de chambres à louer, une mer plus nerveuse, des embruns et du vent, un lieu retiré mais en rien délaissé, où se retrouvent chaque année les mêmes amoureux du silence et de l’isolement. Rien de dénaturé, de ripoliné pour les touristes, c’est brut de décoffrage.

La route qui quitte Melinda se perd ensuite dans la montagne, asphaltée d’abord puis simple piste, praticable à vitesse raisonnable. On ne croise pas foule sur ce versant du mont Olymbos, silencieux et rugueux. On peut ensuite, partir vers Vatera, station balnéaire pas très engageante mais dotée d’une vraie longue plage de sable, qui conviendra aux familles avec enfants. Le lieu est tout de même décentré et sans charme, plat et monotone. Nous avons tenté de remonter par Polichnitos, puis jusqu’à Nifida (la pointe la plus à l’Ouest de cette côte Sud) mais nous n’y avons rien trouvé pour nous enthousiasmer. En fait, passé Mélinda, le paysage devient étonnamment quelconque, les villages sans identité, le bord de mer piteux. Il s’agit de la seule partie de l’île qui nous semble dénuée de saveur, de consistance. Il faudra donc privilégier l’Est de cette côte Sud, qui permet aussi de rayonner vers Mytilène-ville, Moria, Thermis et les sites archéologiques de l’île.