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The Fairy Queen

Henry Purcell, 1692

Enregistré à Glyndebourne en 2009 / DVD 2010

 

On ne peut qu’applaudir lorsqu’autant de talents se réunissent pour proposer un spectacle total. Je râle souvent devant l’arrogance de certains metteurs en scène qui nous imposent leurs obsessions souvent très éloignées des livrets et qui s’imaginent imaginatifs et talentueux alors qu’ils ne sont que dédaigneux de l’œuvre originale. Mais quand une troupe entière se met au service d’une féerie avec l’envie manifeste d’emmener le public avec lui, le résultat est jubilatoire.

Tout comme King Arthur, The Fairy Queen est un semi-opéra, genre anglais du XVIIème, où se mêlent théâtre, musique, chant et danse. Librement inspiré du « Songe d’une nuit d’été », The Fairy Queen imbrique trois univers, trois « histoires » qui vont s’entremêler, jouées par des acteurs : les chamailleries du roi et de la reine des fées, Titania et Oberon, les chassés-croisés amoureux de deux jeunes couples athéniens et une troupe déjantés d’ouvriers qui répètent la tragédie de Pyrame et Thisbé. Durant une nuit où tout est possible, dans une forêt enchantée, royaume des fées, des personnages qui n’auraient jamais dû se rencontrer, vont être soumis à des sortilèges, des métamorphoses et vivre bien des rêves et des désordres amoureux.

Ce socle théâtral est enrichi de parties instrumentales, de ballets, de chœurs et d’intermezzo chantés par des solistes, symbolisant des figures allégoriques (la Nuit, le Sommeil, Le Secret, Le Mystère, Les Saisons et des dieux). La trame narrative totalement invraisemblable est un tremplin pour toutes les inventivités de mise en scène. Avec des effets visuels de toute beauté, des lumières splendides, un imaginaire débridé et une audace sans limite (comme seuls les anglais en sont capables…), les quatre heures de spectacles filent à cent à l’heure.

Les tableaux s’enchaînent avec fluidité, évidence, ajustés sans que l’on sente que l’on passe d’un genre à l’autre. Cette cohérence de l’ensemble, dont le nerf principal reste la pièce de théâtre offre dans « les divertissements chantés » une liberté absolue. Machinerie baroque, couleurs rouge et or, masques et trappes, lyrisme mais aussi bouffonnerie, voire paillardise, les airs sont des odes à la folie. Même le superbe lamento « If love is a sweet passion » est chanté devant une Titania endormie dans les bras d’un Bottom à tête d’âne, au creux d’une barque manœuvrée par un gondolier à tête de perroquet. Les moments d’émotion, de poésie, intenses et délicats (« Oh let me weep ») se coulent dans la drôlerie, la frénésie délirante. Le spectateur reste ébahi devant la générosité de cette Fairy Queen, où tous les intervenants s’amusent autant que lui. Pas de « grandes stars », personne pour tirer la couverture, juste une bande de joyeux drilles qui connaissent leur partition et qui donnent le meilleur d’eux-mêmes au service de la fantaisie. Quant à la direction, c’est du William Christie, inutile d’en rajouter.