Les guides touristiques balisent couramment pour nous les curiosités des pays que nous découvrons, mais il arrive parfois qu’un hasard espiègle enraye l’emploi du temps prévu et nous envoie sur d’autres chemins, bien plus émouvants.

Á la pointe Sud-Est de Céphalonie, on trouve un village anglais*, Skala, station balnéaire sans charme, bâtie récemment dans une totale cacophonie (et son expansion continue de plus belle), un chaos de constructions bétonnées plus hideuses les unes que les autres. Les tour-opérateurs d’outre-Manche y cantonnent leurs ressortissants, qui y rôtissent leur blanche carnation en vase clos. Si vous entendiez parler grec à Skala, ce serait de l’ordre du prodige. Cette édification à marche forcée est d’autant plus dommageable que la plage qu’elle borde est magnifique. Seules, une imposante villa romaine du IVème et ses mosaïques, sont une raison de s’y arrêter.

Nous préférons poser nos serviettes un peu plus loin sur la petite plage de sable de Kaminia, à Ratazakli, lieu de ponte des tortues de mer. Des jeunes d’une association écologique passent d’ailleurs vers 18h pour ramasser les déchets « oubliés » par les gorets et qui risqueraient de polluer le site.

En rentrant un soir vers Poros, nous avons souhaité essayer un autre chemin, à l’intérieur des terres. On va dire que ma lecture de la carte un peu personnelle et mon sens inné de la désorientation nous ont menés … à Old Skala, ancien village construit sur les hauteurs, totalement ravagé par les tremblements de terre de 1953. Il en reste encore aujourd’hui des ruines, de vieux murs de pierre écroulés, des vestiges poignants, un petit cimetière où certains rescapés d’hier ont choisi de revenir pour l’éternité. Il n’y a en fait plus grand-chose à découvrir sur ce champ du souvenir, la nature reprenant peu à peu ses droits. Mais ce retour en arrière, cette promenade silencieuse sur les traces des premiers habitants de Skala, est comme un modeste hommage que l’on adresse à ceux qui ont tout perdu le 12 août 1953** et que l’on vient saluer, avec amitiés.

* encore que…. Albion n’est pas fils de Poséidon pour rien…

** vous pouvez trouver à Skala une petite monographie de Jean Baker « Memories of the Earthquakes of 1953 », très bien faite et riches de photos d’époque.