Réflexion de Πουλακι μου : « T’as eu grand beau à Athènes ? Tu peux remercier Alcyioné ». Longues secondes de flottement et d’intense pédalage dans les méandres de la mémoire… mais oui, les jours alcyoniens (Αλκυονιδες ημερες), je les avais oubliés ceux-là ! La fille d’Éole et son époux Céyx, transformés en oiseaux pour s’être prétendus plus heureux qu’Héra et Zeus ! Alcyoné, contrainte de pondre ses oeufs en plein hiver et de voir ses petits mourir de froid, finit par obtenir la clémence de Zeus qui lui accorda en janvier quelques jours de soleil et de températures clémentes pour l’éclosion de ses oisillons. Au XXIe siècle, les Olympiens gardent toujours à leur manière un œil sur la vie des citoyens grecs ; ces télescopages sont absolument savoureux !

Et lorsque l’on se réveille sous un ciel bleu tranchant un dimanche matin, prendre l’air à Égine s’impose – d’autant plus qu’il y en a un dont le moral atteint des sommets de béatitude dès qu’il met le pied sur un ferry. Métro ligne verte, arrêt Pirée, billets, direction Gate 8… et là, notre ignorance des usages nous a définitivement recalés dans la catégorie « touristes neuneux ». J’ai dû arpenter à fond de train ce quai à la recherche du ferry dans tous les sens avant de comprendre qu’un petit « Dolphin » vert n’est pas un gros cachalot façon « Blue Star Ferries » et qu’il ne nous attend pas sagement en se dandinant sur l’eau. Prévu à 11h, il s’est pointé à 10h55 et est reparti aussitôt.

Le port d’Égine est bien agréable, inondé d’un soleil qui teinte les murs ocres de nuances miel, avec sa chapelle moult fois photographiée, ses marchands de pistaches et son petit marché aux poissons.

 

Faute de bus, nous négocierons un aller et retour en taxi au temple d’Aphéa, qui forme avec Sounion et l’Acropole le triangle sacré. Nous serons seuls sur le site durant les 45 minutes que nous passerons à tourner autour du temple dorique, ne nous lassant pas de voir jouer la lumière sur ses colonnes. Construit au sommet d’une colline, le temple d’Aphéa est en fait un sanctuaire, où, dès 1300 ans avant notre ère, un culte était rendu à une déesse-mère, selon les statuettes mycéniennes retrouvées. Trois temples y furent construits successivement, le dernier, très bien conservé, vers 500 av. J.C. Aphéa, de son vrai nom Britomartis, serait une nymphe crétoise poursuivie par Minos, recueillie en mer par un pêcheur qui l’emmena à Égine, et qui finit par se cacher des assiduités des hommes dans les bois de l’île où elle disparut pour toujours : elle devint « Αφανης », « celle qu’on ne peut plus voir ». Ce culte se confondit ensuite avec celui d’Athéna, qui ornera les deux frontons du temple en leur centre.

 

La relative bonne santé du temple permet de visualiser facilement son état d’origine et d’y reconnaître les différents éléments : comme le commun des mortels ne pouvait passer la porte sacrée, une galerie, un périptère, permettait d’en faire le tour (6×12 colonnes) ; au centre, on distingue la salle principale, le naos, et sa rangée de colonnes surmontée d’un second étage de colonnes ; c’est dans cette antre consacrée que trônait la statue de la déesse Aphéa, recouverte d’or et d’ivoire. Le site est réellement magnifique, la vue sur la mer par temps clair, superbe, et on n’arrive pas à se décoller de ce lieu magnétique quand aucune voix humaine ne vient troubler le silence. Sans doute aussi parce que la main de l’homme du XXe siècle a su rester discrète (contrairement au Parthénon) et que l’on se dit qu’il a sans doute encore des nymphes ou des déesses pour venir humer le vent chaud qui caresse la pierre blanche à l’en faire frémir …