Thessalonique 2ème jour – La ville romaine, gloire à Galère !

C’est en 315 avant J.-C. que la petite ville de Thermi (qui a donné son nom au golfe Thermaïque) devient la première ville de Macédoine sous le nom de Thessalonique : Pella, la précédente capitale, dont la position géographique n’apportait guerre d’avantages stratégiques ni d’accès direct à la mer, laisse sa place à une cité bien mieux située. Elle porte le nom de la demi-sœur d’Alexandre, fille de Philippe et de Nicésipolis, Thessalienne épousée suite à la victoire des Macédoniens sur la Thessalie. De cette alliance politique naîtra une petite fille au nom très étudié, Thessalo / niké (victoire) = Thessalonique. Cette princesse épousera Cassandre, général d’Alexandre, qui donnera le prénom de sa femme à cette nouvelle capitale.

En 168 avant J.-C., elle tombe entre les mains de l’Empire romain, et vingt ans plus tard, prospérant grâce à sa proximité de la via Egnatia (voie romaine qui traversait toute une partie de l’Empire, d’ouest en est – version orientale de la via Appia), elle devient capitale de la Provincia Macedonia. Prenant en 42 av. J.-C., le parti d’Antoine et Octave contre Brutus, la ville construit un arc de Triomphe en l’honneur des vainqueurs, reçoit le titre de « Libera Civitas » et acquiert le droit d’autonomie (qu’elle conservera à l’époque byzantine), celui de faire des réunions publiques libres. Des jeux « olympiques » et « pythiques » y sont créés ; la ville devient alors un grand centre culturel.

Le Forum témoigne de la grandeur passée de la Thessalonique romaine : situé sur l’emplacement d’une agora grecque, les aménagements datent essentiellement des IIe-IIIe s. ap. J.-C. Il s’étendait sur deux terrasses de niveaux différents, reliées par un escalier en pierre. La terrasse sud (inférieure), n’a pas encore été fouillée (elle est occupée par des jardins publics). La terrasse nord est bordée de 
portiques à étage et comportait des thermes, un atelier monétaire, une salle d’archives et un petit odéon. Le forum de Thessalonique est surtout célèbre pour ses Incantadas, piliers sculptés sur deux faces. Ces quatre piliers de marbre proviennent d’un portique à deux étages appartenant à un grand monument aujourd’hui disparu. Les pilastres se dressaient dans la partie supérieure, sur des colonnes. La fonction originelle du bâtiment n’est pas connue. Les Incantadas furent vendues en 1864 par le Gouverneur turc au consul français et se trouvent actuellement au Louvre.

En 299 ap. J.-C., Thessalonique devient le siège du gouvernement de Galère*, qui fait construire un vaste ensemble palatial. Cet ensemble comprenait un palais et son octogone (salle du trône ?), un hippodrome, un arc grandiose entre le palais et la rotonde, soit un quartier entier de la ville dédié à la glorification de l’Empereur.

Du palais et de son octogone, complexe gigantesque, il reste aujourd’hui une cour carrée, des murets de briques, des mosaïques, entourés de hauts immeubles modernes (le contraste est assez saisissant). Il est difficile d’imaginer l’ampleur et les dimensions exactes du palais de Galère. C’est au musée archéologique que la lumière se fera en voyant le plan de ce bâtiment immense, qui servait aussi de siège à l’administration de la Tétrarchie. De l’hippodrome, long de 500 mètres et qui communiquait avec la palais, nulle trace tangible aujourd’hui.

En revanche, de l’Arc de Galère, érigé en 305 pour célébrer sa victoire sur les Perses en 297, il reste deux piliers, décorés de bas-reliefs. L’arc est en fait le reste d’un tétrapyle, posé sur quatre piliers, percé de quatre ouvertures et surmonté d’une coupole. Il se trouvait à l’intersection de deux rues formées de portiques et de colonnades : la Via Regia, l’une des plus grandes et plus importantes rues de la ville, et la voie processionnelle, placée sur l’axe verticale, reliant la résidence royale à la Rotonde et utilisée pour des événements majeurs. Cet arc est orné de reliefs commémorant les succès des empereurs de la tétrarchie en Perse, en Mésopotamie et en Arménie. Bref, un bel outil de propagande, situé à un endroit stratégique de la ville, et qui fait toujours aujourd’hui son petit effet.

De l’Arc de Galère, direction la Rotonde, on arrive à l’édifice le mieux conservé de la grandeur romaine, construit dans le prolongement du palais et du tétrapyle. Un doute subsiste sur la fonction de cette Rotonde, destinée, pour les uns, à recevoir la dépouille de l’Empereur (mais il sera inhumé très loin, dans sa ville natale, actuellement en Serbie), pour d’autres, à servir de Panthéon, de temple dédié à Zeus. En fait on ne sait pas. C’est Constantin, premier empereur chrétien qui fit de la Rotonde une église, devenue ensuite Cathédrale de Thessalonique avant que les Ottomans, en 1590, ne la transforment en mosquée et lui adjoignent un minaret et une fontaine pour les ablutions des fidèles. Redevenue grecque en 1912, Thessalonique consacre à Saint Georges la Rotonde orthodoxe.

L’édifice est circulaire, costaud, bien planté sur ses murs épais de 6 mètres, sous une coupole haute de 30 mètres. Les murs sont creusés pour former 8 petites niches voûtées surmontées de 8 fenêtres. Lors de sa conversion en église, au IVe siècle, l’édifice subit plusieurs remaniements : une nouvelle ouverture est pratiquée à l’ouest, et la niche qui lui fait face, est prolongée pour former une grande abside. De la mosaïque figurant des formes géométriques, végétales, animales qui décorait les murs, il ne reste que des fragments. Le lieu est étonnant car ne ressemble en rien à une église orthodoxe ; on croit entrer dans une église catholique, avec cette abside grande ouverte sur l’autel, dépourvue d’iconostase.

Nous avons eu la chance de la visiter sans trop de monde, avec juste une bande de petits Grecs venus en voyage scolaire, qui écoutaient religieusement leur professeur. Le lieu, très bien restauré, dégage une atmosphère de recueillement palpable. Si l’espace est imposant, la solennité du lieu ne fait aucun doute et garde toujours de sa splendeur passée.

 

* Caius Galerius Valerius Maximianus, un des quatre Tétrarques qui dirigaient l’Empire romain (l’Empire était alors séparé en deux, une partie occidentale et une autre orientale, chacune dirigée par un Auguste, aidé de son César, soit, un pouvoir à-quatre-mains, une Tétrarchie). D’abord César de Dioclétien, il devient à sa mort Auguste de la partie orientale de l’Empire.

 

 

 

2 Comments

  1. Reply
    Amartia

    Merci de tous ces renseignements. J’ai vu la dernière émission « Des racines et des Ailes » et j’ai été impressionnée par le développement de Thessalonique. Je n’y suis pas retournée depuis plus de 30 ans et décidément, elle a bien changé. Même les antiquités me semblent mieux mises en valeurs.

    1. Reply
      Kefalonia

      Oui, oui, c’est vraiment une grande différence avec Athènes ! Il y a un vrai boulot de la ville pour mettre en valeur son patrimoine, rendre la ville agréable, pour en faire une cité du XXIème siècle. Visiblement, Thessalonique a des moyens qu’Athènes n’a pas, ou plus. Déjà la ville est tellement plus propre qu’Athènes, ça n’a rien à voir. Il faut dire aussi que Thessalonique est une ville riche et que la municipalité sait mettre des sous où il faut. Je ne sais pas s’il y a moins de corruption à Thessalonique qu’ailleurs en Grèce mais en tout cas, l’argent reste dans la ville et est réinvesti. La rénovation du quartier de Ladadika est ainsi une vraie réussite !

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