1Q84 
Livre 2 Juillet-Septembre

Editions Belfond

On pensait découvrir un certain nombre de clefs dans cette suite du Livre 1, et bien nous en sommes pour nos frais. Murakami fait semblant d’entrouvrir les portes pour mieux perdre son lecteur. Le grand affrontement tant attendu entre l’héroïne Aomamé (le bien) et le leader barbare de la secte des Précurseurs (le mal), qui s’échelonne sur quatre chapitres fait voler en éclat nos quelques certitudes et redistribue les cartes : la perversion, la manipulation ne sont pas où on les attend, les dichotomies rassurantes, le monde binaire ne sont qu’illusion. Les forces destructrices en présence dans la trilogie n’ont toujours pas d’origine claire et leur finalité nous échappe encore. Mais nous savons que nous vivons avec elles depuis la nuit des temps, qu’elles trouvent des chemins très inhabituels pour agir dans le monde des hommes, qu’elles savent combattre les obstacles à leur domination avec une extrême cruauté.

Le talent de narration de l’auteur est encore plus subtile dans cet opus : il ne verse jamais dans le conte fantastique ou la science-fiction, simpliste et bien commode. Il parvient à garder un talent d’orfèvre pour dire avec des mots les plus simples, les choses les plus nébuleuses, pour faire vivre à ses personnages les situations les plus stupéfiantes avec des phrases courtes et sèches, sans rien de superflu. Le choix de dérouler l’histoire sur un rythme très lent n’est plus problématique, car appréhender cette vision du monde si déroutante, à la lueur de quelques explications encore un peu sibyllines pour le moment (entre prophétie et parabole) nécessite de ne pas brusquer le lecteur. On tourne doucement les pages de cet univers, on assemble les pièces, les évènements se répondent et font sens, jusqu’à ce que ce faux sentiment de confort ne se brise sur un coup de théâtre.

Quel manga fabuleux on tirerait de ce livre 2, poétique mais aussi terriblement trash, contemplatif mais aussi réaliste, tendre mais coupant comme une lame d’acier.