Des quatre îles saroniques visitées, Spetses est celle de l’incompréhension. Pourtant, riche de sa tradition navale, de son histoire glorieuse durant la guerre d’Indépendance, de son évidente beauté architecturale, ça aurait dû fonctionner ; ce fut tout le contraire, je ne me suis jamais sentie bien à Spetses, à tel point que j’ai écourté mon voyage pour un retour anticipé à Poros.
Étape ultime de la ligne de ferry, Spetses est une île très ventée, moins gâtée par les éléments ; j’ai remisé ici les tenues légères et inauguré le sweat-shirt, surtout le soir où même le pull n’était pas de trop. Températures moins clémentes, ciel plus lourd et chargé le matin, lumière plombée dès 17 h. l’île avait déjà un avant-goût d’automne, alors qu’Hydra et Poros flirtaient encore avec les 25°.
Spetses n’est pas une île de désargentés, tout comme Hydra. Mais cette dernière mêle à cette bonne fortune un je-ne-sais-quoi de léger, de bohème ; les habitants et visiteurs bien nés ne ressentent pas forcément le besoin d’étaler leurs signes extérieurs de richesse. À Spetses suinte une snob-attitude très vite désagréable, que l’on ne s’attend pas forcément à croiser en Grèce : hôtels tape-à-l’œil, boutiques de fringues hors de prix (dans le genre skippers chics et classieux), yacht-club, bars sélects… une ambiance faussement « marine », frelatée. Je comprends que Michel Déon ait fini par plier bagages pour l’Irlande.
On a connu plus accueillant comme entrée…
Ce dévoiement de sa grandeur maritime passée, on le doit un peu à Sotirios Anargyros (1849-1928), parti faire fortune aux États-Unis dans le tabac avant de revenir à Spetses au tournant du siècle, pour en modifier profondément le visage et les coutumes : il rachète la moitié de son île natale, la reboise (les pins ayant sombré dans les chantiers navals), construit le premier réservoir (l’île souffre d’ailleurs toujours d’un manque d’eau), mais surtout, importe une façon de vivre venue d’ailleurs.
Dans ce mouillage permanent pour la flotte anglaise, les officiers de la marine de sa Majesté et leur famille sont des hôtes de choix. Sotirios Anargyros bâtit à leur fin en front de mer le grand hôtel Poseidonion (mélange du Carlton cannois et du Negresco niçois) ; sur le modèle d’Eton, il conçoit un complexe éducatif pour garçons qui attire les rejetons des grandes lignées, organise des chasses aux tourterelles à la fin de l’été, rameute les têtes couronnées et le gratin de l’époque, bref, fait de son île the place to be.
Aujourd’hui, lorsqu’on arrive au port de Spetses, cette ambiance factice est d’emblée palpable ; les locaux m’ont paru de plus un brin raides, distants, limite hautains. On cultive à Spetses l’entre-soi, bien planqués derrière les hauts murs des maisons de capitaines et d’armateurs. Et passé le 20 octobre, tout est fermé en semaine – bien ma veine ! –, des musées aux meilleures tables. À l’opposé de Poros, où les habitants vivent dehors, s’interpellent, papotent, refont le monde jusqu’à très tard, les Spetsiotes s’enferment, échangent peu avec les visiteurs, n’ont manifestement aucune envie de leur faire découvrir leur île. On nous fait bien sentir notre condition de touristes-qu’il-faut-tolérer… ce qui est bien dommage.
Spetses pratique :
Volontairement, je ne communique pas l’adresse de la pension pourtant recommandée où j’ai passé deux nuits, avant de fuir devant les cafards qui s’ébattaient dans la douche…
Deux bons postes d’observation sur le port pour le petit-déjeuner et wifi gratuit, Le Roumani Café et le Roussos.
À 50 mètres, toujours sur le port, à l’aplomb des bateaux-taxis, excellente pâtisserie Polithis, où l’on déguste la spécialité de l’île, l’amygdalota, pâte d’amande délicate parfumée à la fleur d’oranger ; pour les amateurs de ce genre de douceurs (j’en suis), un délice.
Rien de bien engageant dans le port de Spetses passé 21 heures, déjà tout éteint ! Direction donc le quartier de Kounoupitsa, en suivant la côte sur un bon kilomètre avec la mer à main droite. Si comme moi vous y allez à pied, faites très attention aux voitures puisque les trottoirs sont en option (l’éclairage urbain aussi, doit coûter trop cher…)
Nero tis agapis Estiatoria : très bonne pioche mais votre CB s’en souviendra. Cuisine grecque actualisée et allégée, poisson tout frais, entrées originales et goûteuses, bonne carte des vins, déco claire et moderne, très bon accueil (la serveuse n’était pas de Spetses…)
Tout à côté, taverne Psarotaverna Patralis, beaucoup plus traditionnelle ; prix raisonnables pour une belle carte de la mer. Pas de fausse note.
Je te trouve un peu sévère, mais il est vrai que bien que toute proche c’est une île où je ne vais pas souvent, contrairement à Poros qui, elle, est en effet moins snob.
Tout a fait d’accord avec vous. Mon mari et moi parcourons la Grèce de long en large depuis longtemps (je suis d’origine grecque) et jamais nous n’avons ressenti un tel malaise. Accueil déplorable, prix exorbitants… A fuir ! Définitivement.