Poros – Kalavria

Passée la rentrée des classes où le bus qui sillonnait l’île durant l’été retrouve lui aussi le chemin des écoles, il vous faudra explorer Poros à pied. Louer un scooter me semble inutile, tant les distances sont courtes et les sites à visiter resserrés, sans grand dénivelé. Si vraiment vous êtes rétifs à vous servir de vos mollets, des taxis attendent les voyageurs lestés de bagages à chaque arrivée de ferry et montent aussi régulièrement au Monastère.

Kalavria est donc la grande île de Poros, vaste colline toute verte plantée de pins et bordées de plages, reliée à Sféria (Poros ville) par un petit pont. Kalavria fut cédée par Apollon à Poséidon, en échange du site de Delphes. Sur les hauteurs, on trouve encore les restes d’un sanctuaire dédié au dieu des flots, où il faut avoir beaucoup d’imagination ou de solides connaissances en archéologie pour s’y retrouver. Mais ce vaste site, devenu aujourd’hui champ de ruines, eut pourtant son heure de gloire. Construit aux alentours de 520 av. J.-C., il fut le centre d’une amphictyonie, – sorte d’alliance entre plusieurs grandes cités qui traitait des questions religieuses et de l’administration des sanctuaires –, regroupant entre autres Athènes, Épidaure, Égine et Ermioni. En exil pour son opposition farouche aux Macédoniens (in les Philippiques… oui, les cours de grec du lycée sont loin !), Demosthène s’y retrancha avant d’y mettre fin à ses jours, pour échapper aux sbires du régent de Macédoine qui attendaient de lui faire la peau en dehors de l’enceinte sacrée. Il ne reste rien du temple en lui-même, des statues, des colonnes, des bâtiments, largement pillés par les habitants de Poros et d’ailleurs, mais le site vaut bien la petite montée pour la vue magnifique qu’elle offre sur le Nord de Kalavria et la baie de Vagionia, et pour sa quiétude, ses oliviers, ses grands pins courbés par le vent, son tapis de fleurs mauves.

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En redescendant, petit détour par le monastère de Zoodochos Pigis, planté au beau milieu de la pinède. Il fut fondé en 1720 par l’archevêque d’Athènes qui, s’abreuvant à une source qui sourdait dans cette forêt, fut miraculeusement guéri de ses calculs rénaux. Le site est petit, mignonnet, bien à l’abri derrière son enceinte. Comme bien d’autres monastères orthodoxes, il joua un rôle important durant la guerre d’Indépendance, spirituel, financier et social en mettant à l’ombre dans ses murs les familles des combattants, et en construisant écoles et orphelinats pour leurs enfants. Si vous y montez, comme je l’ai fait tôt le matin pour avoir une jolie lumière, vous pouvez déguster un très bon petit-déjeuner roboratif dans la taverne familiale sans prétention qui jouxte le monastère (gâteau maison bien riche et goûteux), au calme, avec des chats qui roupillent encore comme seuls voisins.

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Un peu plus bas que le monastère, vous pouvez aller ensuite vous baigner sur une très jolie petite plage de sable (et non de galets, comme le dit le Routard), pas trop massacrée par le tourisme. Car c’est un peu la plaie de Poros que d’avoir transformé son bord de mer en plages aménagées (transats à touche-touche, buvettes, sono…), abondant tourisme grec oblige. Cette petite plage du monastère respire encore un peu – passé le 15 octobre, en juillet et août, j’ignore quelle est l’ambiance.

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Ensuite, lorsqu’on longe la côte pour revenir au point de jonction avec Sféria, s’alignent les hôtels un peu chics, les cages de béton récentes, les Resorts avec SPA, tout ce qui me fait grincer les dents, mais qui plaît visiblement aux vacanciers. La plage d’Askeli est la pire de toutes, entièrement recouverte de parasols, avec terrain de volley, sports nautiques et niveau sonore à l’avenant, surtout le week-end.

C’est de l’autre côté, à l’Ouest de Kalavria, que j’ai trouvé un peu plus de calme. On passe d’abord par une sorte de village de pêcheurs où s’alignent les restes d’un tourisme plus populaire, mais qui a déjà un peu mal vieilli (pensions cheap, petits complexes hôteliers pas très nets), qu’il faut dépasser pour la plage de Mikro Neorio, beaucoup plus engageante que sa grande sœur Megalo Neorio, moins gracieuse et encore tapissée de matelas.

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Un peu plus loin, une anse de carte postale, une petite crique cernée de pins, ombragée et ravissante, Love Bay ! (oui, ça ne s’invente pas). Le nom est un peu racoleur, mais le lieu serait propice à la romance si, là aussi, l’atmosphère n’était pas au rendement de chaque centimètre de sable. J’y suis arrivée au moment où les parasols avaient déjà été mis au rencart pour l’été prochain, redonnant à l’endroit un peu de son cachet. En novembre, le lieu, redevenu sauvage, doit être un havre de paix superbe.

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Si l’on continue à pied, dame Nature reprend ses droits à Russian Bay, presque entièrement débarrassée de ses transats de plastique. À l’arrière de la plage, on rencontre une petite page d’histoire, avec les traces de la présence de la marine russe, venue aider les Grecs dans leur combat pour l’indépendance contre les Turcs. Il ne reste que les ruines de l’arsenal et de la boulangerie (1834), déclarées même monuments historiques, qui détonnent un peu entre les baigneurs et les voiliers amarrés.

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Enfin, en suivant la route côtière, en revenant vers Sféria, on passe devant une bien curieuse maison rouge un peu tarabiscotée, la villa Galini (Γαλήνη = la sérénité, en hommage à la douceur de la mer qui baigne Poros), fameuse pour avoir abrité au siècle dernier le gratin des lettres, de la peinture et du cinéma ; les propriétaires l’avaient transformée en une sorte de maison d’hôtes luxueuse et cosmopolite, bien camouflée des curieux derrière les pins, mais avec vue imprenable sur Galatas. Georges Séféris fut son plus fidèle visiteur, allant même jusqu’à comparer Poros à Venise : « … Η ατμόσφαιρα του Πόρου μ’ έχει κερδίσει πέρα για πέρα. Μ’ αρέσει αυτός ο κόσμος, τόσο κλειστός, που η αυγή φέρνει το φως και στους αθανάτους. Περίπατος στο φάρο. Μεταλλικά χρώματα στη θάλασσα. Ο Πόρος έχει κάτι από τη Βενετιά… με πολλά μάγια βέβαια, κάτι από ένα λάκκο λαγνείας, με το φεγγάρι από πάνω, και, όλη μέρα, με το χαλκό της μουσικής του Προγυμναστηρίου. »

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