Pour faire simple, entre Naxos et nous, nulle divine idylle mais une rencontre désenchantée, une suite de tracasseries, de déconvenues et de déboires. Nous étions furtivement passés à Naxos pour un changement de ferry et je n’avais pour cliché de l’île que de belles images sur papier glacé de villages lovés au creux des collines, de plages de sable désertes, de chapelles byzantines aux fresques remarquables. Mais il arrive que la réalité soit toute autre.

Mon propos n’est en aucune façon de dénigrer à la hussarde une île qui possède malgré tout quelques atouts (et surtout celui d’être proche de Délos), mais ceux-ci ne seront perceptibles que pour les primo-visiteurs des Cyclades. Naxos me semble une bonne porte d’entrée, qui sait mettre sous les yeux du novice une synthèse de tout ce que les Cyclades peuvent offrir, mais rien de vraiment sidérant. En revanche, lorsque l’on a une bonne quinzaine d’îles au compteur, on devient très exigeant, sourcilleux, sans doute un peu sévère. Car à chaque curiosité, particularité, que l’île proposait, nous opposions une comparaison peu flatteuse pour Naxos :

            – Le port d’arrivée, le centre névralgique de l’île ?  Préférer Paros

– Le castro médiéval ?                                                    Préférer Sifnos

– Les chapelles byzantines ?                                          Préférer la Crête

– Les villages intérieurs ?                                               Préférer Tinos

– Les plages de sable ?                                                    Préférer Sérifos

– Pour les balades ?                                                         Préférer Amorgos

– Pour le calme ?                                                              Préférer Folégandros

– Pour les espaces préservés ?                                       Préférer Koufonissia

– Pour la « véracité » ?                                                       Préférer toutes les autres !!!

Île imposante par sa taille, sa population, le trafic de ferry, Naxos a surtout, vu de ma fenêtre, oublié de rester grecque. Certes, cet été, un nombre impressionnant de touristes a posé le pied en mer Égée. S’il faut s’en réjouir pour tous les Îliens qui vivent du tourisme, je crains que certaines Cyclades n’y laissent en route une bonne partie de leur séduction (comme la Crête, Corfou, Rhodes, devenus des hauts-lieux du tourisme de masse). Le développement effréné de Naxos sur sa côte Ouest, le bétonnage de 10 km de plages où les dunes sont liquidées au profit d’une urbanisation non maîtrisée et vilaine (hôtels, restos, bars, sans âme ni histoire) n’augurent rien de bon. Conséquence immédiate, un net changement de mentalité chez les habitants : business et rendement à tout crin, à l’opposé de l’hospitalité et de la chaleur des échanges que nous aimons tant. Même en septembre, l’usine tourne à plein régime et crache ses euros. Ainsi, une seule belle rencontre avec une « yiayia » hors d’âge sur les marches d’une église, durant les sept jours passés à Naxos, c’est bien peu.

Il faut aussi avouer que l’île ne nous a pas facilité la tâche ; elle s’est perfidement amusée à nous semer le séjour d’embûches, au point que je pourrais faire un Routard des pharmacies de l’île (chopper entre autre une bronchite par 30°, il faut tout de même le vouloir…). Nous n’avons retrouvé un peu de sérénité et d’enthousiasme que pour la côte Est, encore à l’abri du déferlement estival, calme et préservé.

C’est en découvrant nos photos au retour que je me suis rendu compte à quel point Naxos est une île aux couleurs ternes. Á l’opposé de sa voisine toute proche, Paros, qui claque de blanc, de bleu et de rose, Naxos est grise, grise comme son Castro, ses Kouroi couchés, ses églises byzantines aux portes closes, son béton déjà défraîchi. C’est certainement aussi pour cette raison qu’à aucun moment nous ne nous sommes imaginés sur une Cyclades, dont l’architecture est si caractéristique et enjôleuse. Sommes-nous seulement sentis sur une île, telles que nous les recherchons, telles que nous les aimons* ? Sans conteste, non et c’est bien regrettable.

* Voir post précédent sur Kato Koufonissi