Je mets en route les récits des deux îles visitées en septembre à l’envers, délaissant la première, Naxos et sa cohorte de désillusions, pour les toutes modestes Epano (ou Pano) et Kato Koufonissi (on emploie le pluriel Koufonissia lorsque l’on parle des deux îlots). Elles font partie des petites Cyclades, comme Iraklia, Schinoussa et Donoussa, situées entre Naxos et Amorgos. Là où Naxos affiche 430 km² pour 21 150 habitants, Pano Koufonissi atteint humblement 3.5 km² et 300 habitants… on change radicalement d’espace-temps, d’époque, de mentalité, de pays en fait. Le Routard souligne que les petites Cyclades s’ouvrent peu à peu au tourisme mais cela reste encore très raisonnable. Toutefois, en haute saison, les capacités de logement saturent vite, vu la petite superficie des îles. Ici, pas de tourisme de masse, de tours-operators qui expédient du grand blond à la tonne pour griller sur les plages. Pano Koufonissi est un bastion italien (aucune idée du pourquoi du comment ?), même si l’on croise aussi des Allemands, des Anglais, des Suédois, mais peu de Français. La taille réduite de l’île fait du vélo le meilleur moyen de locomotion sur les deux uniques routes, même si de traîtres faux-plats nous ont souvent fait cracher nos poumons. On parcourt à pied le chemin côtier, qui dévoile au gré des lacets une dentelure bordée de petites criques*, pour aboutir à la seule vraie plage de sable de l’île, tout au Nord.

 

Pas de location de scooters et encore moins de voitures, la bicyclette et de bons mollets sont suffisants. En septembre, le visiteur est souvent retraité, paisible… et peu vêtu. Si à Folégandros, on oublie souvent son maillot de bain, à Koufonissia, on l’a carrément laissé à la maison… Le Chora concentre la poignée d’hôtels, les chambres à louer, les tavernes et c’est tout. Deux moulins, des petits ports bien protégés, un prophète Ilias sur les hauteurs, des chèvres et des moutons et on a fait le tour. C’est encore trop pour vous ? Alors, direction Kato Koufonissi, l’île grecque la plus sauvage sur laquelle j’aie jamais posé le pied. Seulement habitée en été par une famille d’agriculteurs – qui tient aussi l’unique taverne ouverte en saison -, et une dizaine d’habitants, elle est rendue aux chèvres sauvages dès le mois d’octobre. Et il n’y a rien, mais rien de rien. On y vient en caïque de Pano Koufonissi pour s’oxygéner, respirer, marcher, pour le silence, le vent, les paysages vierges de constructions et se baigner dans l’eau la plus limpide de toute la mer Égée. Alors, certes, je me doute que l’endroit doit être un brin moins idyllique en juillet et août, mais passé le 15 septembre, c’est l’extase.

 

 Totalement inhabitée et inaccessible, l’île de Kéros, voisine de Koufonissia, complète le tableau. Si vous êtes passés par le Musée national d’Athènes et/ou le musée de Naxos, le nom de Kéros, comme de Koufonissi d’ailleurs, doit éveiller des souvenirs de statuettes de marbre blanc aux bras croisés. Car ces trois cailloux arides furent un centre majeur de la civilisation cycladique. Les nécropoles renfermaient des objets, des bijoux, des armes, des poteries et ces figurines étonnantes, ces idoles épurées aux pieds pointés qui ne tiennent pas debout. Plus d’une centaine furent trouvées sur Kéros, dont le joueur de flûte et le joueur de harpe (les deux exceptions à cette posture insolite) que l’on peut voir à Athènes (2 800-2 300 av J.-C.).

* Koufonissi  = κουφιο (creux) + νησι (île)