Belshazzar, 1744
Georg Friedrich Haendel

Enregistré à Aix en Provence en 2008 / DVD 2011

 

 

Cet oratorio nous raconte l’histoire de la chute de Babylone et de son régent Belshazzar, défait par Cyrus, roi des Perses. Le livret qui fait la part belle à la corruption, la dépravation, l’amoralité d’un souverain qui chute devant la droiture, l’humanité et la bonté de son ennemi aurait pu conduire à une mise en scène suffisante, alourdie de références appuyées à telle ou telle grande puissance proche du déclin. Il n’en est rien, dieu merci, l’intrigue ayant encore, hélas, suffisamment d’échos au XXIème siècle. Christof Nel propose une « théâtralisation » (peut-on vraiment parler de mise en scène pour un oratorio ?), une mise en situation minimaliste mais habile dans un décor unique, magnifiquement éclairé au fil des trois actes.

Tous les protagonistes restent sur scène, occupant l’espace de leur présence, tel Belshazzar que l’on entend très tard mais que l’on voit arpenter dès l’ouverture les hautes marches de son empire, le regard fou, la hache à la main et la couronne démesurée, symbole du roi guerrier à l’arrogance sans limite. Comme tout oratorio, le chœur est évidemment au centre de la partition, d’autant qu’il tient ici un triple rôle dans lesquels il se glisse par de simples changements de couvre-chef : tour à tour peuple licencieux du tyran, soldats enflammés du libérateur et captifs brocardés mais annonciateurs de la décadence de Babylone, le RIAS Kammerchor est fabuleux de dynamisme, d’engagement et d’énergie. Et au pupitre, un René Jacobs inspiré dirige un ensemble subtil, à la fois tout en nuances et enthousiaste.

Dans le rôle titre, le ténor Kenneth Tarver m’a semblé bien pâle, plus à l’aise dans sa gestuelle de régent dément que dans son chant, manquant de prestance et d’épaisseur, tandis que Rosemary Joshua est une Nitocris très investie à la fois sur le plan dramatique, déchirée entre son rôle de mère et la réalité politique, et sur le plan vocal, dont sa voix est aussi ciselée que parfaitement maîtrisée. Beaucoup de spectateurs ont tressé des louanges au contre-ténor Bejun Mehta : j’avouerai être absolument hermétique à sa voix, n’étant pas fan de cette tessiture improbable dans les opéras et préférant entendre ces rôles chantés par des mezzos. Il ne s’agit aucunement d’un jugement sur le talent du monsieur, juste d’une perception auditive. J’apprécie les contre-ténors dans un Stabat mater, une cantate, une aria, un motet, rarement dans un opéra, où la virtuosité, les ornements et les vocalises prennent souvent le pas sur l’émotion (je bémolise avec le Didymus de Daniels dans Theodora, qui m’avait serré la gorge, ou avec le Sant’Alessio de Jarrousky, mais là, on est chez les très grands).