Pas la peine de compter en grinçant des molaires, cela fait déjà treize ans que l’on n’a pas remis les pieds à Amsterdam ! Le soufflage annuel des bougies réglementaires sera une bonne opportunité de retrouver cette cité unique, où, quel que soit son âge, ses goûts, ses inclinations, ses caprices, on se sent toujours bien.

On laisse le trip consacré « Red Light District / fumette et space cake / fast food Febo » aux routards tout frais, et on opte pour une piaule bien bath au Misc EatDrinkSleep, petit hôtel campé où il faut, gracieux en tout,  sauf peut-être pour votre CB (la crue des prix des chambres en dix ans est impétueuse).

Ensuite, la ville (sans voiture ou presque, sans pollution, sans embouteillage, quelle extase !) s’offre à tous, musées à foison, balades sur les canaux, shopping consciencieux, promenades dans les parcs, ou bien déambulation sans repère, le nez au vent, l’œil ravi des mille et un détails des façades, des pignons, des blasons, des vitraux, et de ces étroites habitations, glacées d’un noir coupant.

 Commémorer une date de naissance est aussi un prétexte pertinent pour tester des bonnes tables, distinguées par les locaux.

Testée et approuvée à deux reprises… (toquade à la limite de l’égarement, mais bon, mieux vaut dépenser ses économies que de les confier à de forbans requins), la table de « Greetje », un peu décentrée vers l’Est. Lieu cosy, intime, – boiseries, lambris, bougies -, où règne une brigade de garçons qui enchaînent trois services à la file sans  perdre leur bonne humeur : une cuisine de terroir, goûteuse mais légère, d’excellents produits locaux (gibier de saison, viande du cru, pêche du coin…), une carte des vins sans exagération. Très peu de touristes lors de nos deux passages, visiblement une table que les amoureux discrets, ou les tablées d’Hollandais braillards, apprécient. Réservation indispensable.

Autre très bonne adresse, située dans le centre « D’Vijff Vlieghen », enchevêtrement de superbes petits salons, lovés en réseau dédaléen, dans plusieurs maisons pittoresques. Là aussi, décor de boiseries, carreaux de Delft, tomettes, anciennes bouteilles de genièvre sur de lourds buffets, comme si la déco datait de Rembrandt, mais sans faire toc. La cuisine mérite le détour, car elle se positionne clairement vers l’audace et le renouvellement de vieilles recettes. Mise en bouche, saumon mariné aux betteraves fondant, colin parfaitement cuit, succulentes côtelettes aux aubergines avec muffin de pommes de terre, du très bon, bien travaillé. Le bémol viendra de l’effroyable sans-gêne du patron,  qui durant le service, fait visiter ce lieu-musée, en tonnant un hollandais guttural et râpeux, sans s’inquiéter le moins du monde de troubler la tranquillité des convives sidérés.

Aux côtés de quelques établissements d’excellence, la cuisine hollandaise ne laisse en général pas de grands souvenirs aux visiteurs. Mais elle permet de se rassasier pour pas cher à l’heure du déjeuner : soupes réconfortantes, sandwichs reconstituants, pancakes à la mode du Nord,  poissons fumés de bonne facture, croquettes de crevettes (« je persiste, Lou Kane, c’est très bon ces petits trucs là ») dans des cafés bruns ou des restos conviviaux (« Haesje Claes », « Kapitein Zeppos », « Pancakes », « The pancake Bakery »…).

Et si vous avez un peu de temps, ne pas hésiter à prendre un bus (gare routière côté mer et non côté ville) pour les villages du Waterland (Edam, Marken et consorts), havres de paix où le temps semble s’être arrêté.