Je suis retournée à Sifnos rien que pour lui. En ce qui me concerne, c’est un des plus beaux lieux qui soit, aussi fort que le site du  Monastère de la Panagia Chozoviotissa à Amorgos. Kastro est  l’ancienne capitale fortifiée de l’île, un véritable bourg-forteresse vénitien bâti vers 1630 sur la côte Est, sur le bord d’un rocher aux falaises abruptes, avec la mer en à pic. Il reste encore des traces du mur extérieur, ceignant le village. Côté mer, ce sont carrément des habitations de deux ou trois étages, presque sans aucune ouverture, qui servaient de remparts. A l’intérieur de cette fortification, on découvre les maisons de maîtres, les ruelles pavées aux joints blanchis, les églises aux toits bleus ou blancs. Mais j’ai rarement vu une telle pagaille urbaine, un tel enchevêtrement de maisons : loggias, escaliers, enfilement de voûtes, passages étroits qui débouchent sans prévenir sur la mer, une seule petite place (ou bien un simple élargissement de la venelle ?)  et hop, on se perd à nouveau dans le dédale, on monte des marches, on repasse sous des arches, on tourne la tête avec surprise car on découvre des écussons des grandes familles du chef-lieu gravés sur les linteaux des portes, ou des colonnes servant de piliers pour soutenir une arcade. Le temps semble s’être arrêté dans ce kastro,  où nous sommes début juin bien souvent les seuls visiteurs. Le village est ramassé sur lui-même, fermé, dense, silencieux, comme pétrifié depuis plus de trois siècles : on ne serait pas étonné de voir passer des cavaliers d’un autre temps ou d’entendre le fracas des épées.

  

Au bas de la falaise sur un promontoire, l’église des Efta Martyres, émerge des flots, tel un îlot du grand Bé toujours à marée haute. Le soir, vers 19 heures, on s’assoit au bord du précipice sur un banc, on perçoit le tintement des cloches des troupeaux de chèvres et de moutons sur la colline à droite, le regard se perd vers l’immensité de la mer qui s’ouvre devant Kastro et l’on se dit que c’est ici qu’il faudra venir se reconstruire si un vrai chagrin nous prenait.