Il y a deux écoles : les filles raisonnables qui, entre Noël et le bout de l’An adoptent le régime austère d’un anachorète en plein désert pour se donner bonne conscience et les autres, les athlètes de la gourmandise qui refusent de martyriser leur estomac et assument leur vocation au partage des nourritures terrestres.

Inutile donc de faire sa bêcheuse, quand on sait que Christophe Michalak officie comme Commandeur de la Pâtisserie au Plaza Athénée, il serait superflu de chercher un autre lieu pour des agapes sucrées.

On arrive avenue Montaigne beaucoup moins stressée qu’au Ritz (c’est fou, ce que l’on s’y fait vite à ces palaces), on admire les Bentley et autres Ferrari qui attendent leurs propriétaires, occupés à faire chauffer leur Black dans des boutiques dont je n’aurais aucune envie de pousser la porte. Une certaine propension au snobisme ne saurait se confondre avec le mauvais goût…n’est-ce-pas, d’Aprequiche ? (Private Joke)

Le grand hall du Plaza, décoré avec faste, mais distinction, en impose tout de même : les volumes sont beaux, c’est classieux sans être clinquant, le personnel toujours aussi charmant. Direction « la Galerie des Gobelins », où je retrouve Ισαβέλλα, qui assiège la seule table libre des réservations des clients de l’hôtel. Lustres chargés, larges fauteuils, tons reposants, ambiance feutrée, service gracieux et simple.

 J’opte pour un thé « mélange Plaza », aux saveurs de figue, noisette, coing, raisin. Ισαβέλλα se laisse tenter par le chocolat chaud… intitulé bien pâle à côté de ce qui lui sera servi : de la chocolatière en argent, se déverse une réduction dense et moelleuse de chocolat intense qui sera adoucie dans la tasse par un ajout de lait. Si vous avez goûté à celui du Florian, c’est au-delà.

Le chariot des desserts approche de notre guéridon, sous l’œil taquin du serveur qui connaît parfaitement l’effet produit. Restons convenables, refrénons notre enthousiasme, on a juste envie de tout goûter. Nous sélectionnons les deux grands classiques, la fleur Red Power (base de financier, mousse de litchi et framboise) et la Religieuse au caramel salé, si appétissante que je croque voracement dans son chapeau, en oubliant les couverts. Aucun regard réprobateur, ça doit se faire, même au Plaza. Pas de déception, les goûts sont nets, les textures bien travaillées, c’est gourmand à souhait, aussi beau dans l’assiette que savoureux en bouche.

Oui mais voilà, un modeste gâteau ne saurait rassasier son monde, un deuxième round s’impose. Le Mille-feuille à la coupe étant célèbre, aussi bien pour sa présentation sur la tranche que pour la légèreté de sa crème, il sera de la partie. Un kouign-amann (en fait deux !!) viendra mettre fin à ce goûter. Ces deux gâteaux sont servis beaucoup plus généreusement que les pâtisseries individuelles, et je dois l’admettre, j’ai calé. Ce Mille-feuille est à la hauteur de sa légende, même si j’apprécie aussi la version classique avec une bête crème pâtissière.

Ce qu’il y a d’appréciable dans un palace qui s’ouvre à la plèbe,  c’est que les va-nu-pieds sont traités avec les mêmes égards que les possesseurs de Weston. Malgré le nombre de gourmands qui se pressaient à l’entrée de la galerie, personne n’est venu nous déloger ou afficher un début de commencement d’exaspération. Il est impossible de réserver sa table à l’heure sucrée. Arrivez avant 16h30,  roulez-vous dans le luxe et mordez sans remords dans les rondeurs dodues d’une pâtisserie de haute volée.